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Les ravages du plagiat sur le Net

Lycéens et étudiants pillent abondamment Internet pour leurs devoirs, thèses et autres exposés. Parfois sans même lire les documents qu'ils captent sur le Web. Les étudiants sont les champions toutes catégories des copies sur le Web, une pratique en forte hausse ces dernières années.

DE FUTURS médecins qui n'ont pas rédigé une ligne de leur thèse, des lycéens qui, contre toute attente, obtiennent d'excellentes notes lors de leurs devoirs faits à la maison : c'est la face cachée d'Internet. Facilité par les nouvelles technologies, le plagiat fait des ravages dans l'enseignement secondaire et supérieur. La triche est plus aisée qu'il y a trente ans, «car l'accès à des sources difficilement maîtrisables s'est multiplié», estime Roland Hubert, secrétaire national du Snes, le principal syndicat d'enseignants. Selon Michelle Bergadaà, professeur à l'université de Genève, qui a consacré un site Internet à cette question, le plagiat se répand à grande vitesse, et presque sans «garde-fous», en France, faute de formation des professeurs.

Certes, le plagiat a toujours existé. Les jeunes gens recopiant les devoirs de littérature ou de philo d'Anabac – les annales du bac – ou ceux de leurs petits camarades de l'année précédente ne sont pas apparus hier. Mais il fallait faire l'effort de chercher des livres à la bibliothèque ou au Centre de documentation et d'information (CDI), recopier ou paraphraser des passages entiers à la main. «Il y avait encore une place, même minime, pour l'imagination et l'effort, soupire Michelle Bergadaà. Internet, c'est pire que tout. Vous pouvez copier-coller sans même lire les documents !» Deux clics et le tour est joué. Parfois tout naturellement pour certains qui estiment que ce qui se trouve sur le Web n'appartient à personne en particulier. «Les TPE, c'est l'attrape-Google» Devoirs de philosophie, de littérature, de langues et de sciences physiques fleurissent sur des sites payants ou en libre accès. Au lycée, les travaux personnels encadrés (TPE) font les délices des plagiaires. «Les TPE, c'est l'attrape-Google, ironise François, jeune professeur de philosophie dans un lycée de Metz. Les sujets sont suffisamment vastes pour que l'on y use et abuse du copier-coller.»

Le vin de Bordeaux, l'histoire du mouvement gay au XXe siècle ou la musique rock en Grande-Bretagne sont autant de sujets sur lesquels les moteurs de recherche fournissent quantité d'informations. «Les jeunes sont fiers de faire un produit joli et sérieux qui fait quinze pages en format A 4, avec des photos couleurs, s'agace Michelle Bergadaà. Même si c'est du copier-coller, les profs ont du mal à mettre une mauvaise note. Ils valorisent le côté esthétique.» S'il est parfois «difficile de détecter le plagiat», la présentation du TPE à l'oral permet de réaliser si l'élève s'est ou non approprié son sujet, nuance Roland Hubert, du Snes. Ce syndicat s'est battu l'an dernier contre la suppression des TPE en terminale, imposée par François Fillon. Le ministre de l'Education d'alors avait fait valoir le peu de valeur éducative de cette matière, qui subsiste en première. Pour enrayer l'épidémie de plagiats, les profs s'organisent. François, l'enseignant de philo de Metz, ne donne plus que des devoirs sur table pendant les heures de cours. Barbara enseigne le français dans un collège de l'Essonne où la documentaliste n'autorise pas les élèves à imprimer des documents qu'ils consultent au CDI. Ils sont obligés de les recopier à la main, et donc de les lire ! «Un premier pas vers davantage de réflexion», pense la jeune enseignante, qui veille aussi à poser à ses élèves des questions précises qui les obligent à «se décarcasser» car ils ne trouveront pas la solution sur Internet. Elle leur demande par ailleurs de citer leurs sources.

C'est surtout après le lycée, dans l'enseignement supérieur, que le plagiat prend sa véritable ampleur. Les étudiants sont les champions toutes catégories du copier-coller, une pratique en forte hausse ces dernières années, selon plusieurs enquêtes. La société Compilatio, qui édite un logiciel de vérification des plagiats de documents numériques, a enquêté fin 2005 auprès de 975 étudiants et 191 enseignants de l'enseignement supérieur. Les résultats sont édifiants : tous les étudiants utilisent Internet pour se documenter quand seulement un étudiant sur deux se rend encore en bibliothèque. Neuf enseignants sur dix ont déjà été confrontés au copier-coller et sept étudiants sur dix pensent qu'un devoir type contient au moins un quart de textes recopiés sur Internet. L'informatique, l'électronique et les sciences exactes seraient les plus touchées par le plagiat et le recopiage. Les étudiants des grandes écoles de commerce ne sont pas en reste, selon Michelle Bergadaà, ex-enseignante de l'Essec. Les travaux sur les marques, toujours les mêmes, sont abondamment pillés. Et les professeurs, affirme-t-elle, ferment les yeux.

Auteur : Marie-Estelle Pech
Source : Le Figaro – Le 24 avril 2006

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