Un personnage clé, de la diplomatie à la vice-présidence d’EADS. Il a rencontré Dominique de Villepin et le juge Renaud van Ruymbeke. Au carrefour des mondes de l’industrie, de la diplomatie et de la géostratégie, Jean-Louis Gergorin, vice-président d’EADS déchargé depuis mercredi, « à sa demande », de ses fonctions au sein du groupe, est l’un des protagonistes centraux de l’affaire qui secoue depuis plusieurs semaines le sommet de l’État. Énarque, polytechnicien, diplômé de Stanford, après un bref passage comme maître des requêtes au Conseil d’État, il s’expatrie, au début des années soixante-dix, aux États-Unis, où il entre à la Rand Corporation, un institut privé de recherches stratégiques qui travaille pour le ministère de la Défense américain. De retour en France, il prend part, en 1973, à la création du Centre d’analyse et de prévision du Quai d’Orsay, dont il prend la direction de 1979 à 1984. En 1981, il y recrute, pour la direction des affaires africaines et malgaches, un jeune diplomate. C’est Dominique de Villepin, avec lequel il restera lié et qui le décorera, vingt ans plus tard, de l’ordre national du Mérite. Leur relation est caractérisée, selon les termes de Jean-Louis Gergorin, par une « forte camaraderie ». En 1984, il quitte la diplomatie pour rejoindre le groupe Matra, comme conseiller de Jean-Luc Lagardère pour la stratégie industrielle. Il y retrouve Philippe Camus et Noël Forgeard, comme lui futurs dirigeants d’EADS.
Cet esprit brillant et discret continue pourtant à exercer une influence dans les cercles diplomatiques, et il aurait entretenu des réseaux dans les services secrets français. Dans les années quatre-vingt-dix, responsable d’intelligence économique, il se retrouve au coeur d’une affaire de dénonciation d’un supposé complot de Thomson contre Matra-Hachette, qui s’est conclue, en 2005, par une relaxe générale prononcée par le tribunal correctionnel de Paris. En 2000, il joue un rôle clé dans la création du groupe aéronautique et de défense, dont il sera membre du conseil exécutif jusqu’en 2005 et vice-président chargé de la division coordination stratégique. Parfois décrit comme paranoïaque, il aurait évoqué en privé, à la mort de Jean-Luc Lagardère, en 2003, un assassinat commandité par des concurrents. Tôt soupçonné d’avoir joué un rôle dans l’affaire des dénonciations calomnieuses, Jean-Louis Gergorin avait déclaré au Figaro, dès novembre 2004, que « l’inanité d’une telle rumeur relève de l’évidence ». Et porté plainte pour « faux et dénonciation calomnieuse ».
Auteur : R. M.
Source : Le Web del'Humanité – Le 12 mai 2006