Challenges. Moyen-Orient, mais aussi Russie, Chine ou Inde : les fonds souverains sont-ils dangereux ?
Alain Juillet. Il faut alerter les chefs d’entreprise sur le comportement de certains fonds. Le FMI, la Banque mondiale ou l’Allemagne réfléchissent à des modalités pratiques pour les rendre plus transparents, tracer les liquidités et identifier les propriétaires réels. Le président des Etats-Unis a affirmé que la récente opération menée par la Bourse de Dubai [en lice avec le Nasdaq sur l’opérateur boursier Scandinave OMX. NDLR] allait être examinée compte tenu «d’implications pour la sécurité nationale des Etats-Unis». Mais ces fonds apportent aussi aux entreprises des opportunités et des leviers d’influence dans les marchés émergents. Ils facilitent l’accès aux décideurs-clés et permettent de connaître précisément les risques et les menaces des marchés locaux.
Y a-t-il d’autres fonds menaçants ?
Les fonds dits activistes sont plus problématiques. Selon une étude publiée par l’université de Cranfield en mars 2007, plus de 9 000 fonds de ce type géreraient 1 400 milliards de dollars. Selon une autre étude, du National Investor Relations Institute (NIRI), publiée en 27 août, ils ont été présents plus d’un an au capital de 47% des entreprises. Avec 1 ou 3% du capital d’une société cotée, ils arrivent à obtenir, avec des méthodes trop souvent contestables, un changement de stratégie pour dégager une plus-value à court terme. Cela n’est pas acceptable !
Quels sont les bons réflexes ?
Les grandes entreprises françaises sont juridiquement armées avec les bons Breton ou des actions à vote double, mais elles doivent surveiller de près l’évolution de leur actionnariat. Les états-majors doivent avoir un regard attentif sur les fonds de leur secteur, leurs procédures et critères d’investissement, et sur les cabinets de conseil avec lesquels ils ont coutume de travailler.
Et dans les PME ?
L’Association française des investisseurs en capital (Afic) évalue l’activité d’investissement en capital en 2006 à 10 milliards d’euros, contre 8 en 2005 et 5,2 en 2004 : une opportunité. Pour autant, il ne faut pas se jeter dans les bras du premier venu ! La question n’est plus tant de se faire repérer par des investisseurs que se préparer à leur rencontre : c’est le sens de nos dix fiches pratiques sur la levée de fonds et la maîtrise de l’information stratégique.
Vos armes contre le pillage de technologies ou de savoir-faire ?
Nous essayons déjouer la carte du collectif entre les acteurs publics. Exemple : le ministère de l’Intérieur et son organisation territoriale. Connaissant parfaitement le tissu économique régional, les préfets peuvent faire remonter de telles informations. Nous pouvons, nous, alerter quand une entreprise de biotechnologie fait l’objet d’un ciblage par un fonds «mafieux».
Des cas d’intrusion ?
Oui, malheureusement… «Sans conflit, pas d’intérêts», dit-on dans le monde des affaires !
Auteur : Agnès Séverin
Source : Magazine Challenges – LE 11/10/2007