Chez Actulligence nous sommes convaincus d’une chose, c’est que la veille ne doit pas imposer son organisation mais qu’elle doit se caler sur les processus existants afin de répondre à de vrais besoins opérationnels et métiers et s’intégrer dans les modes de fonctionnement des utilisateurs.
Si la tarte à la crème de l’intelligence économique, j’ai nommé le « cycle du renseignement » (relire ici dans la définition d’Henri Martre une de ses premières formalisation dans le cadre de l’intelligence économique), souvent appliqué, tout aussi souvent commenté, modifié, critiqué est, à mon sens, une bonne base de travail incluant les différentes phases essentielles à un processus vertueux de l’information, il est évident que ce dernier ne devrait jamais s’appliquer de façon disjointe des processus existants qu’ils soient métiers, projets ou informationnels.
C’est vrai bien évidemment pour l’information stratégique, concurrentielle et technologique mais cela devrait l’être aussi pour l’information issue des médias sociaux découlant dune démarche de social listening.
Je ne peux pourtant que déplorer que trop souvent les conférences diverses et variées se focalisent uniquement sur la partie communication et marketing avec un nombre de cas d’application très limités et se résumant souvent à « suivi des influenceurs » (-> et évaluation de la rentabilité de la démarche influenceur), « suivi des retombées de campagne » (-> et évaluation de la rentabilité des prestations vendues par mon agence de comm), « share of voices » (-> qui c’est qui la plus grosse part de voix.)
Je grossis un peu le trait car parfois, dans un sursaut d’imagination, des voix s’élèvent pour vanter la « voice of customers » (parce que mes clients aussi ont des idées ou parce qu’ils ne sont pas contents -> sauter directement à la case SAV).
Il y a désormais quelques années, je dirais 5 à 6 de mémoire, j’ai eu l’occasion de réfléchir à la meilleure façon d’implémenter une solution de social listening dans le secteur de la Pharma, secteur soumis à des contraintes réglementaires de communication (mais aussi d’écoute) fortes, et pour lequel l’écoute du Voice of consumer / patients ou des Key Opinion Leaders ou encore des praticiens de santé n’allait pas forcément de soi.
Le résultat de ce travail m’a mené à mettre en corrélation les possibilités offertes par les outils de social listening avec le cycle de vie du produit (une partie du cycle de vie en fait allant de la recherche fondamentale à la mise sur le marché, il manque l’étape par exemple de la perte d’exclusivité).
L’on peut résumer le cycle de développement d’un médicament en quelques étapes simplifiées ci-après :
- La découverte, dans lequel on découvre une molécule, un principe actif, un nouvel axe thérapeutique pour une molécule, un biologique.
- La phase pré-clinique qui vient avant les les essais cliniques,
- La phase des essais cliniques pendant laquelle le médicament est évalué sur son efficacité auprès de patients,
- La phase d’enregistrement pendant laquelle le médicament est enregistré auprès des autorités de santé nationales avant de recevoir son autorisation de mise sur le marché,
- Et la phase « marché » pendant laquelle le produit est accessible pour les patients.
Quelles sont alors les applications possibles pour le social listening ? Que va-t’il apporter et à qui pendant ces différentes phases ?
Nous avons identifié plusieurs pistes.
Pendant la phase de « découverte » l’on peut utiliser les médias sociaux afin d’essayer de détecter des signaux faibles chez ses concurrents. Quels sont les comptes Twitter qui les reprennent ? Quelles sont leurs interactions sur LinkedIn ? Retweetent-ils des messages d’autres laboratoires ou sont-ils focalisés sur certaines maladies ? Ne rêvons pas ! Nous ne trouverons pas les projets de développement sur 10 ans de tous nos concurrents mais toutefois en analysant certaines données, et particulièrement les convergences d’interactions ou de mots, le résultat peut parfois être parlant.
De même lors de la phase de découverte il est possible d’identifier et d’évaluer le nombre de patients touchés ou concernés potentiellement. Pas de stats précises c’est certains. Mais l’identification de pays, de zones géographiques infra pays et potentiellement une saisonnalité peuvent se révéler intéressants.
Enfin les autorités de santé et les gouvernements étant des parties prenantes importantes dans la décision de rembourser un médicament ou pas, leurs prises de position sur une maladie, leur préoccupations peuvent permettre de comprendre quels seraient les pays les plus soucieux de permettre le développement d’un nouveau médicament et quels seraient les enjeux en termes de santé publique.
Lors des essais cliniques, un des points les plus coûteux est le recrutement de patients : identifier des patients qui souhaiteraient participer à des essais cliniques sur un nouveau médicament. Si sur des maladies « communes », le recrutement est moins difficile, sur des maladies moins répandues, il peut être parfois difficile de trouver des patients correspondants aux critères requis pour participer à une évaluation objective de l’efficacité d’un médicament. L’écoute des médias sociaux, qu’il s’agisse de forums, de communauté de patients, ou de comptes individuels peut permettre de faciliter cette phase de recrutement.
Lors des essais cliniques, les attentes du patient pourront aussi être identifiées . L’on s’attardera alors à comprendre ses attentes en termes de qualité de vie, de facilité à suivre un traitement, aux problématiques de packaging potentiellement (praticité, lisibilité, sécurité, conservation) , des effets secondaires gênants sur des traitements déjà existants sur cette même pathologie. Cela peut permettre par exemple de les intégrer à ses critères d’évaluation de ses essais cliniques.
La phase d’enregistrement est propice pour préparer le lancement sur le marché. Quels sont les sites de communiqués de presse qui sont les plus repris à la fois par les médias de santé mais aussi par les communautés de patients ou les patients individuellement ? Quelles sont les communautés existantes et quels en sont leur relais principaux et leurs acteurs ? Comprendre le fonctionnement des médias sociaux, des médias, des patients et de leurs interactions permet de communiquer auprès des bonnes personnes.
Enfin lors de la phase « Marketing », après l’autorisation de mise sur le marché, l’on pourra collecter des retours patients sur leur traitement : l’efficacité ressentie, la diminution voir disparition de leurs symptômes, et bien que cela soit un sujet tabou dans l’industrie Pharmaceutique car TRES réglementé, la détection d’effets secondaires non identifiés préalablement lors des essais cliniques (AKA pharmacovigilance pour les intimes).
Enfin de façon transverse, tout au long du processus, l’intérêt de mettre en place une démarche au long cours de détection des fuites d’informations internes et potentiellement de secrets industriels n’est pas à écarter. Vidéos, présentations Slideshare, CV LinkedIn donnant trop de détails sur un projet. Qu’il s’agisse de pharmaceutique ou de tout autre secteur, cette application du social listening est un incontournable complexe à mettre en place mais trop souvent délaissé.
Les pistes sont donc multiples pour appliquer le social listening lors d’un process de conception et de lancement produits et le social listening ne devrait pas se contenter de répondre aux besoins des communicants ou du marketing mais bel et bien trouver sa place lors d’autres étapes et auprès d’autres clients internes.
Ci-après le schéma récapitulatif de cette réflexion qu’il me semblait donc intéressant de partager.
Il s’agit vraiment d’un positionnement que nous essayons d’appliquer au sein d’Actulligence. Les besoins informationnels existent et sont multiples au sein de l’entreprise. Plutôt que de se limiter à une vision trop souvent thématique nous incitons nos clients à réfléchir avec une approche fonctionnelle : de quelle information avec vous besoin pour prendre vos décisions ? Le Social Listening peut il-répondre à ce besoin.
Et nous nous attachons à délivrer l’information à l’endroit que les utilisateurs fréquentent. Nous limitons la création de nouveaux espaces de consultation de l’information et essayons de nous intégrer dans des espaces déjà existants les que des groupes projets sur des réseaux sociaux d’entreprise.
NB : il semble très important de préciser que le RGPD limite fortement l’utilisation pouvant être faite de données personnelles. A ce titre, les préconisations ci-dessus devraient prendre soin d’anonymiser les données collectées et faire l’objet des déclarations adéquates.
NB2 : les solutions de social listening intégrées rencontrent de plus en plus de difficultés à fournir un accès pertinent et performant aux données du fait des restrictions liées aux API des principaux réseaux sociaux. L’agilité lors de la mise en place de vos solutions de social listening sera donc de mise pour répondre réellement à ce types de besoins.