Même Lionel Jospin, pas vraiment fashion victim pourtant, avait fini par créer le sien. L’élection présidentielle de 2007 ne sera pas la première à intégrer l’Internet parmi les lieux de débat et de propagande. En 2002, déjà, tous les candidats avaient un site. La nouvelle mode, c’est le blog. Un homme ou une femme politique moderne se doit d’en avoir un.
Pour ceux qui l’ignoreraient encore, un blog est un journal personnel électronique, consultable en ligne par tout le monde et sur lequel l’auteur consigne les événements de sa vie, ses réflexions, ses états d’âme, ainsi que des liens avec d’autres pages Web qui ont retenu son attention. L’une des particularités importantes de ce média individuel, ce sont les commentaires. Les visiteurs peuvent réagir à tel ou tel "post". Certains blogueurs autorisent tous les commentaires ; d’autres les trient, avant ou après leur affichage. Dans les deux cas, un bon blogueur s’impose de réagir personnellement aux commentaires qui apparaissent sur son blog.
Le propre de la communication par blog est en effet de ne pas être à sens unique. Le récepteur du message se veut tout aussi émetteur que celui ou celle dont il lit les textes. Il tient à être considéré comme tel. Il appartient à une communauté démocratique, dans laquelle personne n’est plus égal que les autres. Se constitue ainsi une "république des blogs", bannière sous laquelle quelque 80 blogueurs se sont réunis, mercredi 27 septembre, dans un café parisien.
Nicolas Vanbremeersch, un consultant en stratégie, bien connu des internautes sous le nom de Versac (vanb.typepad.com/versac), remarquait qu’il y avait là presque autant de journalistes, certains avec micros et caméras, venus interroger ces drôles d’animaux à clavier et écran qui détiennent peut-être une des clés de l’élection. Les journaux et les médias audiovisuels classiques s’inquiètent (la preuve) de ces circuits de communication qui s’établissent dans leur dos, voire sur leur dos.
Dominique Voynet et François Bayrou sont passés saluer les blogueurs. Le président de l’UDF n’a pas de blog personnel, alors que la candidate des Verts a le sien (www.dominiquevoynet.net/blog), mais il trouve ce nouvel instrument très intéressant. D’ailleurs, la liste des hommes politiques (et des rares femmes) qui tiennent leur journal électronique ne cesse de s’allonger. Jean-Pierre Raffarin, auquel son mandat de sénateur de la Vienne laisse des loisirs, vient d’ouvrir son "carnet" (www.carnetjpr.com). Certains sont devenus des stars du blog politique : Dominique Strauss-Kahn à gauche, Alain Juppé à droite. Contrairement à ce qu’on croit parfois, Ségolène Royal, dont l’ascension doit beaucoup à l’Internet, n’a pas de blog. Son site, desirsdavenir.org, est un site classique, informant sur les positions et les activités de la candidate, mais agrémenté d’un forum "participatif", dont le contenu est "modéré", c’est-à-dire filtré, a priori.
Thierry Vedel (vedel.blogspot.com), politologue qui s’est spécialisé dans l’étude des nouvelles formes de communication politique que permet l’Internet, évalue à un million le nombre d’internautes qui consultent un ou plusieurs blogs politiques chaque mois. "A la louche, dit-il, il faudrait vérifier." C’est encore peu, même si ce n’est pas négligeable.
Pour les responsables politiques, participer à la "blogosphère" est une cure de jouvence et une épreuve de réhabilitation. Non, ils ne sont pas lointains, hautains, repliés sur leur monde, incapables de tenir compte de ce que pensent les simples citoyens. Et puis, le blog leur permet de réaliser leur rêve de toujours : communiquer avec les électeurs sans l’intermédiaire de ces éternels gêneurs que sont les journalistes.
Auteur : Patrick Jarreau
Source : Le Monde – Le 29 septembre 2006