Il y a déjà quelques mois, Razorfish a lancé son indicateur d’e-reputation. Le SIM Score, Social Influence Marketing Score.
Le Saint Graal voyait enfin le jour. L’indicateur ultime qui allait permettre de savoir quelle était l’e-reputation d’une entreprise.
Mais ne voilà-t’il pas qu’il y a quelques jours à peine, TrendyBuzz et Groupe Reflect y allaient eux aussi de leur indicateur magique, l’Attention RateTM?.
Alors loin de moi de vouloir remettre en question la pertinence de ces indicateurs (multiples pour mesurer une même "chose"), ni même la rigueur mathématique et statistiques de conception de ces indices, mais je souhaite toute de même ouvrir un débat et pour cela il me semble important de vous exposer ma vision du problème e-reputation.
Parce qu’on a un problème Houston… C’est évident.
Tout d’abord posons cette simple question à un panel de spécialistes et professionnels de l’e-reputation.
"Quelle est la définition de l’e-reputation?"
Commençons par le grand professionnel Wikipedia.
Même pas une toute petite page Wikipédia à se mettre sous la dent…
Parce que fatalement, moi, à force d’en entendre parler, je me dis que j’aimerais bien savoir de quoi il s’agit.
Et là que constate-t’on ??? Embarras, gène, bafouillements même parfois, ou bien encore impertinence désabusée ("Ben tu ne le sais pas ..? C’est évident non? C’est la réputation des entreprises ou des personnes sur Internet…").
Dernière affirmation d’ailleurs forte intéressante.
Posons donc une autre question. Plus simple celle là.
C’est quoi la réputation ?
Ah! Voilà qui est plus simple. C’est l’opinion qu’ont les personnes d’une société, d’une marque, etc… Ce qu’elles en pensent en somme. Ce qui leur vient à l’esprit quand vous prononcez le nom d’une marque.
Mais alors l’e-reputation c’est quoi là dedans.
Mon avis personnel? Je ne sais pas. Y a bien le mot bullshit qui me passe par la tête mais gageons qu’il ne franchira pas le seuil de mes lèvres.
L’e-reputation serait-elle l’opinion qu’à Internet d’une marque? Non. Internet n’a pas d’opinion. C’est juste un média.
L’e-reputation serait-elle alors l’opinion qu’ont les internautes de vous? Plus crédible, mais non. En effet, comment s’imaginer que cet internaute est coupé du reste du monde? Comment penser que la réputation qu’il peut se faire de vous ne découle que de ce qu’il voit sur Internet. Bien que les médias sociaux aient le vent en poupe, bien que les forums et sites d’avis de consommateur prennent du poids, ils ne sont pas encore le seul vecteur de l’image d’une entreprise.
Lorsque l’on veut mesurer la réputation par ailleurs c’est simple. On prend un échantillon de personnes représentatives (représentatives de la population sur laquelle vous voulez mesurer votre réputation) et l’on fait un sondage.
- Connaissez-vous Trucmuche ? Oui / non
- Avez vous une opinion très positive / positive / Neutre / négative / très négative de Trucmuche.
Et hop. Emballé c’est pesé. Vous connaissez votre notoriété et votre réputation.
Mais sur Internet ?
Alors certes on peut également faire des sondages via Internet mais cela se borne à faire un sondage via Internet plus que dans la rue en posant les mêmes questions. C’est les moyens mis en oeuvre qui changent.
Alors qu’essaie-t’on aujourd’hui de vous faire croire ?
On essaie de vous faire croire que :
- L’on peut mesurer votre e-reputation juste en regardant ce qui se dit de vous sur Internet. Oui. L’on peut. On peut compter. On peut ajouter des commentaires de 3 lignes disant "je kiffe grave Trucmuche" à des avis de consommateurs appuyés d’une page et les ajouter également au nombre d’articles publiés dans Le Monde électronique… On peut totalement. On fait alors du quantitatif. Plus ou moins bien d’ailleurs. On essaie de le faire de façon exhaustive. Là aussi plus ou moins bien. Et lorsque l’on ne peut pas le faire de façon exhaustive on le fera sur un échantillon de blogs, de forums mais des "influents" s’il vous plait… Mais est-ce vraiment votre e-reputation que l’on mesure?
- Que ce que l’on va compter, comptabiliser va permettre de tirer des indicateurs de votre réputation. Aberration mathématique et statistique. En quoi la population d’internautes est représentative de la population française (ou autre)???? En quoi les personnes qui expriment leur opinion expriment des opinions représentatifs alors qu’on sait que quelqu’un en colère publiera plus facilement et que l’on sait que les usages d’Internet et des différents médias sociaux est en constante évolution alors que les indicateurs dressés ne sont même pas la plupart du temps redressé a minima par la population d’internautes.
- On essaie même parfois de vous faire croire que le site de La Tribune a autant d’importance qu’un skyblog régulièrement lu par 2 personnes : son auteur et sa maman… Pourquoi? Parce que nous avons un autre problème Houston : on n’a pas les statistiques de fréquentation des sites et encore moins la structure de leur lectorat… Mauvaise nouvelle pour tous les statisticiens en herbe qui se voient amputé d’une donnée essentielle : l’audience.
Prenons donc ces deux beaux indicateurs précédemment nommés et poussons la lecture un petit peu plus loin.
Le Attention Rate.
Déjà on a une variable inconnue. Le Trendy Rank…dans lequel selon l’auteur rentre en compte une variable de "Qualité des backlinks" On touche carrément au sublime… Par ailleurs on voit apparaître la pertinence du message. Même Google a compris que la pertinence ne pouvait être pour une machine qu’un classement ordinal et non pas cardinal et que finalement la pertinence pour un être humain, une société était une valeur totalement subjective…
Et vous… Vous en pensez quoi???
Prenons le second maintenant, le SIM Score.
Pas mal non plus…
Ca donne ça :
- Net Sentiment = (Positive + Neutral Conversations – Negative Conversations) / Total Conversation
- Sim Score = Net Sentiment for the Brand / Net Sentiment for the Industry
Remercions tout de même RazorFish pour l’effort car au moins c’est un peu plus crédible.
Mais que constate-t’on toutefois sur cet indicateur ?
Le terme conversation? Quelle est sa définition… Un "réponse", une "prise de parole" ou une vraie conversation…
Pourquoi traiter une conversation positive comme une conversation neutre? On parle de vous et c’est bien même si c’est pour juste vous citer? On tombe selon moi dans les travers de l’analyse de retombées presse, dans la visibilité, dans la quantité…
Et ensuite, quel est le biais majeur? Pas de pondération! Que dalle. Toutes les conversations sont traitées avec la même considération où qu’elles se passent. L’impact d’une pub entre le journal de 20 h sur TF1 et à 5 h du mat sur une chaîne du câble genre "Chasse, pêche et nature" traités à la même enseigne? Pourtant tout le monde sait que c’est faux. Pourquoi ne pas avoir pondéré par le Page Rank par exemple. Ou pondéré dynamiquement par le nombre de backlinks.
Alors pourquoi?!
Pourquoi essayer de faire gober aux gens que l’on va pouvoir leur construire un indicateur faux. Non représentatif. Non "pertinent".
Un indicateur par ailleurs qui se heurte à des problématiques techniques vertigineuses loin d’être résolues par tous si ce n’est, tout du moins partiellement, en ayant recours à une armée de stagiaire.
Problématique tout d’abord du crawl. Puissance et vitesse de crawl. D’où l’échantillonnage choisit par certain (échantillonnage lui même complexe à établir).
Problématique ensuite de l’extraction, de la segmentation. Comment traiter les commentaires 1 à 1? Comment les rattacher à un billet? Comment traiter les citations dans un commentaire…?
Problématique enfin de la tonalité positive ou négative automatique. Alors que lors d’ICC, de l’avoeu même des éditeurs de logiciels de veille j’entendais de leur bouche que les taux de tonalisation correcte dépassaient rarement 85 %, ce taux chutant lourdement sur des forums, Twitter ou autres médias dans lesquels le langage SMS, les abréviations et les smileys foisonnent.
Nous voilà donc revenu à la case départ…
C’est quoi l’e-reputation et comment la mesure t’on?
Et préalablement à un prochain billet qui abordera ces problèmes je vais vous donner ma vision de ce qu’est l’e-reputation.
L’e-reputation n’existe pas. Il y a des prestations liées à la gestion de sa réputation via les médias électroniques : veille image, community management, référencement, e-marketing, e-communication… Des prestations qui, en somme, existaient depuis des années.
Et sous ce terme e-reputation aujourd’hui l’on trouve donc de tout selon l’opportunisme du prestataire, selon son honnêteté intellectuelle.
J’aurais donc du mal à mesurer l’e-reputation de l’un de mes clients. Oui… Je sais… Je suis faible….
Par contre, je pourrais identifier des risques réputationnels sur des médias sociaux, je pourrais éventuellement le guider dans la gestion de ce risque et les actions à mettre en place, mais mesurer son "e-reputation", non.
To be continued…
PS : les commentaires de mon blog ont un bug…Si la capcha n’apparait pas, allez sur un autre article et revenez sur celui ou vous voulez poster un commentaire. … J’essaie de réparer cela mais je manque cruellement de temps.
PS2 : Mise à jour de simple lifting orthographique le 11/10/2009 : j’avais dû boucler un peu vite sans relecture.